EDITO

AVEC L’ÉPIPHANIE, LES MAGES ET L’ÉTOILE

LE TERME MAGE (MAGOS) est dérivé du nom d’une caste sacerdotale d’une ancienne religion perse.
Les mages étaient spécialistes en astrologie et en astronomie.
Dans l’Antiquité, le terme désigne ceux qui possèdent une connaissance supérieure à la moyenne, mais aussi des magiciens, des sorciers de toute sorte.
La tradition biblique et rabbinique est souvent critique à l’encontre des pratiques divinatoires ; ce n’est pas le cas chez l’évangéliste Saint Matthieu. Pour lui les mages sont des savants, des hommes sages venus du monde païen. En lisant l’Evangile de l’Epiphanie, chers lecteurs, vous devinerez aisément qu’il s’agit de voir dans les mages l’élite spirituelle du monde païen.
L’essentiel est là, le monde entier se rassemble autour du Messie d’Israël. La perspective universaliste de la loi se fait sentir dès les premières lignes de l’Evangile selon Saint Matthieu.

L’ÉTOILE est caractéristique puisque la naissance d’un personnage important fait souvent apparaître une étoile. Tenons en mémoire la prophétie du devin Balaam (Livre des Nombres 22,7) L’étoile de Jacob (Livre des Nombres 24,17).
L’étoile est dans les traditions juives une image du Roi Messie. Ainsi, dans le Nouveau Testament Jésus est lui-même qualifié « d’étoile radieuse du matin » (Apocalypse 22,16). Il convient donc ici de ne pas tomber dans le piège du concordisme. Il n’est ni question de comète ni de supernova…
Les auteurs latins de l’Antiquité, Suétone par exemple (Vie des Césars, Nero 13) rapportent la venue de mages de Perse pour honorer Néron, en 66, sur l’indication des astres qui repartent ensuite sur un autre chemin… Familier, non ?
L’histoire des mages serait donc un beau conte connu des peuples de l’Antiquité. De même qu’est répandue à cette même époque, la croyance selon laquelle lors de la naissance d’un grand personnage de l’humanité une étoile apparaissait dans le ciel.

QUE FAUT-IL CONCLURE ?

Que Saint Matthieu, le seul des évangélistes à nous raconter le récit des mages plagie ?
Non, Saint Matthieu ne veut pas nous tromper, mais nous dire la vérité qui vient de naître à Bethléem. Saint-Matthieu récupère donc une histoire d’étoiles et de mages connue du premier siècle, pour nous dire la vraie Royauté du Christ Jésus. C’est une théologie en images qui nous est offerte en cet Évangile de l’Épiphanie. C’est une introduction remarquable qui permet à la fois d’affirmer l’identité royale, messianique et divine de Jésus, tout en exposant symboliquement des thèmes qui lui sont chers dans l’ensemble de son Évangile :
• Le refus des Juifs de reconnaitre en Jésus le Messie
• L’accomplissement des Écritures
• L’annonce de l’Évangile à toutes les Nations préfigurée par les Mages

Symboliquement la levée de l’étoile parle aux païens comme aux juifs mais différemment, c’est-à-dire qu’elle révèle à chaque groupe quelque chose du Mystère de Jésus.
1) Aux Païens, l’histoire dit la naissance d’un roi : « Qui est le Roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant Lui » (Mt 2,2). En même temps, le fait que l’étoile leur soit apparue à eux, mages d’Orient et donc païens, montre bien que le Salut, la Vie en Dieu est ouverte à l’Univers entier et non plus seulement aux Juifs.
2) Aux Juifs, l’étoile et la venue des mages disent autre chose. Cette étoile se trouve dans la Bible plutôt que dans le ciel. Plus précisément l’étoile apparaît dans une prophétie du Livre des Nombres, sortant de la bouche de Balaam : « Je le vois mais ce n’est pas pour maintenant. Je l’observe non de près. De Jacob monte une étoile, d’Israël surgit un sceptre » (Nb 24-17). Cette étoile de Jacob est donc un homme que la tradition juive associait au roi David et au Messie devant venir, issu de sa lignée. Cette étoile qui se lève c’est Jésus lui-même né à Bethléem selon les Écritures, comme David son aïeul, passage obligé : Jérusalem et les Écritures.
Notons qu’il est très intéressant que l’étoile et la science des mages seules n’ont pas suffi à guider les mages vers l’enfant Messie.
Pour arriver à Jésus il leur a fallu passer par deux autres lieux : un lieu géographique, la ville sainte Jérusalem symbolisant le Judaïsme, ensuite un texte. Il a fallu des lettrés de Jérusalem pour consulter les Écritures et en particulier l’Ancien Testament. Symboliquement comprenons que pour trouver la vraie Lumière, le vrai visage de Dieu, pour reconnaître Dieu en Jésus-Christ, le croyant ne peut faire autrement que de passer par la tradition biblique dont Jésus est l’accomplissement.

Des étranges cadeaux offerts à un nouveau-né : ces cadeaux nous enseignent encore qui est Jésus. En donnant de l’or, les mages disent la royauté universelle de Jésus, le Christ Roi. En donnant de l’encens, parfum qu’on fait brûler pour adorer Dieu et signifier la divinité de Jésus. En offrant la myrrhe, résine odorante avec laquelle on embaumait les morts, les mages annoncent dès la naissance de Jésus la Passion et la mort qu’il va subir avant de ressusciter.

3) Marche de Joie ou immobilisme inquiet : les positions, les démarches, les attitudes des personnages sont aussi très révélatrices dans ce récit. Les mages sont en recherche, ils se mettent en marche. Ils éprouvent « une très grande Joie » (Mt 2,10). « Lorsqu’ils arrivent au but de leur quête et, après avoir rencontré le Christ et l’avoir adoré, ils regagnèrent le pays par un autre chemin » (Mt 2,12).

Dans leur voyage, comment ne pas voir pour nous un itinéraire de notre Foi et de la rencontre du Christ, rencontre qui vient parfois au terme d’un long chemin, qui sème en nous une très grande joie, qui nous transforme et nous fait regagner notre pays (notre quotidien) par de nouveaux chemins, ceux de l’amour.

Mais, subsiste Hérode, les chefs des prêtres et les scribes, eux qui savent où doit naître le Messie restent à Jérusalem immobiles, figés d’inquiétude murés de certitude.
Dans cette sclérose et cette inquiétude de tout Jérusalem qui contrastent si fortement avec la mobilité et la joie des mages, comment ne pas voir ici illustrée symboliquement par Saint-Matthieu, la situation bien concrète que vit et constate la jeune communauté de l’église à la fin du 1er siècle : le rejet de Jésus comme Messie par le Judaïsme officiel, les relations tendues avec les Chrétiens en même temps que l’arrivée massive de païens dans l’église naissante… Autant d’interpellations pour nous…

En cette année nouvelle où marchant dans la Joie à la suite des mages, chaque rencontre de Dieu sera pour nous un motif de Joie, pourquoi ne pas oser la formule : « la sortie d’un immobilisme inquiet »
Père Marc Ketterer
curé